Comparaison n’est pas raison ! Il faut bien le reconnaître, nous sommes souvent tentés de comparer nos enfants ! Entre eux (« Ton frère, lui, il met la table sans qu’on ait besoin de lui dire ! »), à nous-même au même âge, en enjolivant quelque peu les choses au besoin (« Moi à ton âge, je me contentais d’une orange à Noël ! »), ou même à leur meilleur copain qui sait déjà nouer ses lacets, est premier en ceci, meilleur en cela… Mais attention, comparer son enfant, même si l’on est animé des meilleures intentions, est toujours néfaste. On vous explique ici pourquoi et surtout comment vous débarrasser de ce réflexe !
Ils ne sont pas les mêmes enfants, on n’est pas les mêmes parents !
Pour commencer on ne peut comparer que ce qui est comparable et jamais deux êtres humains, même frères et sœurs ne le sont. Au sein de la fratrie, de la famille, les enfants n’ont jamais la même place. A moins qu’ils soient jumeaux – et encore – ils n’ont pas non plus la même histoire. L’un a (longtemps) été enfant unique, tandis que l’/les autre(s) a/ont grandi entouré(es) de frère(s) et sœur(s), l’un(e) est grand frère ou grande sœur, l’autre est le benjamin d’une grande tribu… l’un a un handicap, l’autre non, etc. Les enfants d’une même fratrie, même avec peu d’écart d’âge, même nés des mêmes parents n’ont jamais le même vécu. Et nous ne sommes jamais les mêmes parents avec l’un et avec l’autre. Notre histoire personnelle, notre propre position dans notre fratrie, notre propre rapport avec nos parents, la manière dont nous sommes devenus le parent de cet enfant-là vont bien sûr influer sur notre rapport avec chacun de nos enfants.
Comparaison VS estime de soi
Tous les psychologues et spécialistes vous le diront : la comparaison est désastreuse pour l’estime de soi. Etre évalué à l’aune de quelqu’un d’autre empêche d’avoir conscience de sa valeur
personnelle.
Se référer à un tiers pour faire comprendre à son enfant ce que l’on attend de lui, c’est inconsciemment, et même si c’est loin d’être notre intention, lui signifier qu’on ne l’aime pas tel qu’il
est, lui faire croire qu’on préférerait qu’il soit un autre. Comment, dès lors pouvoir construire sa confiance en soi ?
Notre objectif doit justement être d’éviter le plus possible à l’enfant de se construire par rapport à un autre. La thérapeute Marie Portelance explique ici les conséquences de la comparaison
dans la construction de l’identité de l’enfant :
« Les repères pour ressentir sa valeur sont alors à l’extérieur de soi plutôt qu’à l’intérieur, à la seule place où elle serait bien solide, bien protégée et inattaquable ».
Pas de bonne comparaison pour eux…
La comparaison induit forcément une hiérarchisation. Et qu’elles soient valorisantes ou dévalorisantes, les comparaisons sont toujours stigmatisantes, enfermantes.
Si l’enfant est comparé en négatif, il va toujours chercher à rattraper, à dépasser l’autre. Sa motivation à agir de telle ou telle manière ne sera pas de faire bien, de faire mieux, mais de faire mieux que. Est-vraiment là le moteur que nous voulons lui faire adopter ? Veut-on vraiment que nos enfants (n’)agissent (qu’)en fonction des autres ?
Si l’on comprend bien qu’il ne faille pas comparer ses enfants « en moins bien », leur faire des louanges en les comparant positivement à leur copain/cousin/frangin ne peut pas leur faire de mal pourrait-on croire ?… Et bien si ! Presque autant ! Si l’enfant est comparé « en mieux », il va penser que sa valeur n’existe que tant qu’il n’est pas rattrapé, dépassé. Voilà de quoi faire peser sur lui une terrible pression ! Et l’angoisser avec quelque chose contre quoi il ne peut rien, dont il n’a pas le contrôle et qui ne dit rien de sa « valeur » personnelle.
Même lorsqu’elles ne sont pas émises pour signifier une supériorité ou une infériorité, comparer ses enfants consiste, quoi qu’il en soit, à leur attribuer une étiquette, à les enfermer dans un rôle qu’ils croient, dès lors devoir tenir.
« Autant sa sœur est sérieuse, autant lui est le clown de la famille. »
Voilà le genre de phrases que l’on entend très souvent dans toutes les familles. Que se passera-t-il quand – ou si – le second n’a plus envie de tenir le rôle de pitre ? Se sentira-t-il libre de ne pas répondre à ce qui sera sans doute devenu une attente de sa famille ?
… ni pour soi !
Même pas prononcée devant l’enfant, la comparaison est toxique pour soi en tant que parent. Pour les parents d’enfants présentant des troubles ou un handicap tout particulièrement ! Dans ce cas précis, les parents ne comparent pas tant leur enfant pour le motiver à progresser, mais pour évaluer le « degré » de retard de développement, de retard de langage, de difficulté. Plutôt que de se focaliser sur ce que leur enfant réussit, sur ce qu’il accomplit, ils vont dès lors être totalement obsédés, ainsi que le raconte cette maman :
Mais avant même que mon fils ait été diagnostiqué, je garde un souvenir très vif de la comparaison, de la comparaison constante.
C’était presque devenu une obsession, partout où j’allais, il y avait de petits bébés assis dans une chaise haute ou prenant leur déjeuner en dix minutes sans aucun désordre.
Il y avait des enfants tellement plus jeunes que le mien qui rampaient et marchaient, empilant des briques et tenant un crayon de couleur (…)
La comparaison établie par rapport aux compétences supposées qu’un enfant doit avoir acquises à tel ou tel âge, on le voit, est encore plus « douloureuse » chez les parents d’enfants
avec handicap. La société nous ramenant toujours à la « norme ».
Mais justement, ne pourrait-on s’interroger sur celle-ci ? S’interroger par exemple sur le fait que l’on soit classé, réparti par date de naissance, par tranche d’âge pendant toute son enfance ?
A l’école, évidemment, dans les cours de sport, les loisirs… Demande t-on à des adultes de 40 ans d’avoir acquis la même expérience, le même savoir ? S’il y a bien sûr des compétences que chacun
devrait pouvoir acquérir à tel ou tel stade de son développement physique, la comparaison en fonction de l’âge est génératrice d’une angoisse dont nous devons tenter de nous prémunir… et de
prémunir nos enfants. Faire taire nos attentes, souvent dictées par la société, pour mieux accueillir tout ce que nos enfants, même avec leurs « lacunes » ou retards éventuels, ont à
offrir, pour mieux nous concentrer sur la seule chose qui doive compter : leur progression.
Sur le site d’Hop’Toys, nous ne proposons volontairement pas de classement de nos jouets par âge. Si une telle répartition pourrait faciliter la recherche de certains, elle nous a toujours semblé ne pas poser la bonne problématique. Il ne s’agit pas en effet d’asséner avec quoi un enfant doit avoir envie de jouer à tel ou tel âge, mais de partir de ses besoins pour lui proposer un outil ludique, pédagogique, qui va lui permettre de développer son potentiel.
Pour les parents d’enfants avec handicap, arrêter de comparer son enfant peut s’avérer totalement libérateur. La maman que nous avons citée précédemment, raconte ainsi, qu’à partir du moment où elle a arrêté de comparer son enfant, elle a pu apprécier et partager le bonheur des autres parents à se réjouir de certaines avancées dans la vie de leur enfant, sans penser à ce que le sien n’était pas, lui, en mesure de faire.
Il n’est peut-être pas encore assis, il ne peut peut-être pas bouger, mais il y a énormément de choses qu’il peut faire et il me fait sourire tous les jours. Alors lorsque quelqu’un célèbre le fait que son enfant s’asseye pour la première fois, je fête cela avec eux. Je ne veux pas que les gens se sentent coupables de parler des progrès de leur propre enfant autour de moi parce que mon enfant ne peut pas nécessairement faire ces choses.
Tout parent en effet sera amené à rencontrer des enfants qui acquéront des compétences plus tôt, plus facilement, qui en auront peut-être plus, tout simplement. Passer son temps à comparer ses enfants, prendre cette habitude dans notre manière d’être face à lui, c’est se garantir une vie de frustrations et d’insatisfaction permanente ! Alors pourquoi le fait-on ?
Pourquoi on le fait ?
La société est ainsi faite qu’ils seront de toute façon comparés et mis en compétition toute leur vie, entend-on souvent. Il faut les y préparer.
Pour commencer, on pourrait déjà légitiment répondre à ça que, fort heureusement, la famille peut rester un espace plus doux que le reste de la société. Et que par ailleurs, la société se construit d’abord par l’éducation qu’on donne à ses enfants ! L’Education nationale elle-même commence à remettre en cause le (supposé) bienfait de la compétition scolaire pour encourager plutôt les valeurs de coopération et d’entraide.
Comparaison VS compétition
Ne pas comparer ses enfants ne veut pas dire ne pas leur donner l’esprit de compétition. Ce qui est encore un autre sujet. Dans le cadre d’une compétition, sportive, par exemple, l’enfant n’est pas jugé par ses parents, mais par des juges, un chronomètre, d’une manière objective sur une prestation donnée, délimitée. S’il est associé à une enseignement de la loyauté, du fair play et de la coopération, l’esprit de compétition peut permettre un dépassement de soi. Mais là encore, ce n’est que par rapport à soi même, à ses capacités que l’on peut être jugé.
La comparaison comme stimulation
Bien sûr, les parents qui ont tendance à comparer leur enfant, à leur demander combien a eu tel ou tel camarade à son contrôle de géo, à lui rappeler que son frère ou sœur, au même âge, n’avait plus de couche, que leur cousine, elle, n’hésite pas à sauter du grand plongeoir, etc, etc, ne le font certainement pas en pensant à mal. La comparaison est souvent utilisée non pas à des fins de stigmatisation mais bien plutôt en pensant motiver l’enfant, lui apporter une sorte d’étalon-mesure, lui signifier qu’on le pense capable du même résultat.
Pousser ses enfants à se dépasser, à progresser n’est évidemment pas répréhensible. Mais, encore une fois, il n’y a qu’à lui-même qu’un enfant puisse être comparé. On pourra évidemment faire remarquer à son enfant, qu’il a bien progressé dans tel ou tel domaine et, inversement, que là il n’a pas bien réussi alors qu’il y était arrivé auparavant. Cela peut justement lui redonner confiance en lui montrant qu’il l’a déjà fait par la passé.
De même ne pas comparer son enfant ne signifie pas qu’on ne pense pas qu’il y ait pas à apprendre de l’Autre. Chaque enfant pourra bien sûr apprendre beaucoup d’un grand frère, d’une grande sœur ou d’un autre enfant. Mais, il faut alors faire très attention à notre formulation et être très précis ; ce n’est pas l’autre enfant qu’on prend en exemple, en modèle (et donc, dans la tête de notre enfant qu’on préférerait avoir !) mais seulement la manière dont il s’y prend par exemple.
Comment faire pour arrêter de comparer ses enfants ?
Les stratégies d’empathie
Demandez-vous si vous aimeriez que vos enfants vous comparent, votre conjoint et vous ! Qu’ils vous fassent remarquer que papa, lui, il est beaucoup plus gentil/drôle/ponctuel ou qu’ils se réfèrent sempiternellement aux parents de leurs copains qui ont une piscine, eux !
Mieux, chaque fois que vous êtes tenté de le faire, souvenez-vous de ce que vous avez pu ressentir lorsque vos parents vous comparaient à votre frère ou votre sœur. Entrez en empathie avec l’enfant que vous avez été, l’enfant blessé par ces remarques. Ce devrait être le meilleur moyen de ne pas recommencer.
Le pragmatisme
Ça ne sert tout simplement à rien ! Comparer son enfant ne provoque jamais l’impact souhaité. Quand bien même y aurait-il un impact, celui-ci ne se ferait que par réaction, dans l’immédiat. On
n’a en effet rarement vu un enfant dire « Oui, tu as raison, je vais essayer d’être comme lui/comme elle. » Par ailleurs, même si cela devait être efficace, le ressentiment engendré envers la
personne à laquelle on est comparé (souvent le frère ou la sœur), l’hostilité ainsi créée ne suffiraient-ils pas à faire comprendre l’infructuosité de cette approche ?
Il est de plus évident que des enfants que l’on aura comparés se compareront eux-mêmes, entre eux, et compareront leur « traitement » par leurs parents. Bref, comparer les enfants est le meilleur
moyen pour susciter jalousie et conflits.
S’inspirer plutôt que comparer !
Plutôt que de les comparer (ou de se comparer d’ailleurs, car les parents qui comparent leurs enfants, ont souvent tendance à se comparer eux-même), on se concentre sur ce qu’ils font bien, sur leurs progrès et on ne regarde ce que font les autres que si on pense pouvoir déceler chez eux une méthode, une manière de s’y prendre qui va servir notre enfant (ou nous-même) et que l’on pourra mettre en application.
Exemple : les enfants de votre copine Marie se tiennent beaucoup mieux à table que les vôtres ? Demandez-lui comment elle s’y prend pour qu’ils goûtent de tout, restent assis, ne mettent pas leurs coudes sur la table, etc. Si elle a une astuce, un truc infaillible, testez-le ! Sinon oubliez ! D’ailleurs peut-être que ses enfants sont beaucoup moins bons en natation !
Vous l’aurez compris, n’oubliez jamais de re-la-ti-vi-ser ! On ne peut pas être bon en tout. Chaque enfant a un potentiel, SON potentiel et c’est celui-là qu’il faut chercher à développer.
Sources :
La comparaison, un poison pour l’estime de soi, 01 mars
2015, par Marie Portelance, TRA
How Can I Stop Comparing My Child?, 17 avril 2019, Amy
Sweeney, FireFly