S’améliorer c’est modifier son comportement, sa façon d’être.
S’accepter c’est changer ses pensées, sa vision des choses.
Qu’est ce qui est préférable pour se sentir mieux ?
L’essor récent de la psychologie positive et de la pleine conscience a entrainé des modifications significatives dans la façon de faire face aux difficultés. Résolument du côté de la promotion de la santé, la psychologie positive vise une optimisation du fonctionnement humain. Elle encourage les individus à s’exposer à des expériences génératrices de bien-être, et à s’appuyer sur leurs ressources et celles de leur environnement pour aboutir à un degré de bien-être satisfaisant. Parallèlement, des recherchent portent sur des pratiques centrées sur l’accueil de l’expérience plutôt que la modification de celle-ci, et ont elles aussi démontré des effets sur l’amélioration de la qualité de vie et l’augmentation du sentiment de bonheur.
Comment expliquer que deux approches qui semblent antinomiques puissent avoir un impact semblable sur le bien-être ? Optimisation de soi ou acceptation de soi, faut-il choisir ?
L’optimisation par les comportements
Les travaux issus de la psychologie positive visent une meilleure compréhension du fonctionnement humain au moyen d’une analyse approfondie des déterminants et des processus en jeu dans l’épanouissement dans individus, des groupes et des institutions. La psychologie positive a montré qu’au-delà des déterminants biologiques et environnementaux, aujourd’hui attestés par la recherche, il est possible de mettre en œuvre des comportements qui entrainent un mieux-être. Pr exemple, une activité physique régulière, la participation à des groupes sociaux ou la mise en œuvre de pratiques permettant de repérer davantage les éléments positifs du quotidien ont un impact sur la santé physique (amélioration des fonctions immunitaires, réduction de la fatigue, ...), la santé mentale (réduction des affects anxieux et dépressifs, augmentation de la satisfaction de vivre) et les relations sociales (amélioration de l’humeur des proches par contagion émotionnelle et amélioration de la qualité relationnelle par l’augmentation des conduites prosociales). L’un de ces exercices consiste à noter chaque jour 3 choses pour lesquelles on se sent reconnaissant. Développer ainsi pendant deux semaines ce qu’on appelle l’orientation reconnaissante augmente significativement la satisfaction de vivre des individus, comparativement à des personnes qui noteraient 3 faits de leur choix ou 3 évènements négatifs. Aiguiser l’aptitude à percevoir plus souvent les choses positives qui nous entourent contrecarre efficacement la tendance naturelle de l’humain à être davantage marqué par les éléments négatifs du quotidien alors qu’ils sont moins fréquents. L’optimisation de soi par le biais de changements de routines cognitives et d’habitudes comportementales de ce type rendrait ainsi plus heureux.
L’optimisation par l’acceptation
Des chercheurs ont cependant constaté que lorsqu’une personne s’efforce d’éviter les émotions négatives et tente de maintenir un degré d’émotions positives toujours maximal, elle risque paradoxalement de se sentir moins bien, voire de développer des symptômes dépressifs. En effet, il ne semble pas possible - ni souhaitable - de ne plus éprouver d’émotions négatives, et plus on tente de les rejeter, plus on a tendance à les remarquer. Efforcez-vous pendant 5 minutes de ne pas penser à la colère ; vous constaterez sans doute, comme les recherches l’ont montré, qu’elle fait irruption à plusieurs reprises dans votre esprit pendant ce laps de temps. A l’inverse, si vous n’essayez pas d’éviter d’y penser, elle apparaîtra peut-être, vous pourrez que vous avez eu cette pensée et vous pourrez ensuite laisser venir d’autres pensées, sans avoir besoin de lutter contre la pensée agressive ou l’émotion de colère. Les recherches montrent que si vous ne cherchez pas à éviter une pensée, elle devient moins récurrente. C’est cette pratique d’accueil de la pensée, de la sensation ou de l’émotion selon la situation, sans chercher à s’en débarrasser, que l’on appelle l’acceptation. Cette capacité se développe notamment par les pratiques de pleine conscience (ou mindfulness), dans lesquelles il s’agit de porter intentionnellement son attention sur l’expérience qui se déroule, moment après moment, sans juger l’événement mental (« je n’aime pas être en colère ») et sans le blâmer (« je ne devrais pas m’énerver pour cela ! »). Le terme mindfulness » n’implique pas seulement d’aiguiser son attention, mais également d’être attentionné : cette forme d’acceptation constitue donc une prise en compte de l’expérience avec une attitude de bienveillance envers soi et envers autrui.
Ainsi, l’acceptation n’est pas une forme de résignation, mais réduit le recours à des réactions automatiques, telles que l’extériorisation de la colère (crier, frapper, ...) ou les ruminations (ressasser toute la journée la colère et les moyens de riposte envisageables). C’est notamment pour ces raisons que les pratiques d’acceptation - et de pleine conscience d’une manière générale - génèrent une amélioration du bien-être : elle réduit la tendance au conflit et diminue les affects dépressifs, qui sont en partie dus aux ruminations. L’acceptation n’est pas une disposition innée ; elle nécessite un entrainement continu et représente à ce titre une manière de progresser.
Ainsi, l’optimisation de soi par l’acceptation de soi et celle par l’amélioration de soi sont deux démarches complémentaires qui peuvent contribuer significativement au bien-être physique, mental et social.
Rébecca SHANKLAND, maitre de conférences à l’université Grenoble II.