"Les enfants précoces, de leur extrême sensibilité et leur esprit critique, risquent plus que d'autres d'aller mal. Trop sensibles, ils s'adaptent difficilement à un monde qui ne les ménage pas, ne les comprend pas. Trop critiques, ils gardent à l'esprit leurs défauts plus que leurs qualités, d'où le sentiment de ne pas être assez bien. Certains sont immensément tristes et désillusionnés, d'autres très heureux. Il existe toutes les graduations possibles entre ces deux extrêmes.
Les parents face à un enfant précoce
Face à un enfant précoce qui va mal, les parents sont démunis, inquiets, culpabilisés. Tout d'abord, j'insiste sur le fait que ce n'est pas la faute des parents. Certes, ils n'ont pas été parfaits, certes ils ont fait des erreurs... comme tous les parents. D'autant plus qu'ils ont un enfant différent et déconcertant, qui ne rentre pas dans les schémas connus et ne leur permet pas de se référer à l'éducation donnée par les autres parents. Ce qui "marche" dans les autres familles ne marche pas forcément avec un enfant précoce. Les parents sont mis à mal dans leur rôle éducatif et de là à penser qu'ils ne sont pas compétents, il n'y a qu'un pas. D'autres parents qui n'ont pas de souci avec leur enfant, n'auraient peut-être pas fait mieux avec cet enfant-là. Le problème vient du fait que la précocité n'est pas encore suffisamment connue et comprise.
Comment aider un enfant précoce à aller mieux ?
Alors que faire pour améliorer la situation avec un enfant précoce "difficile" et/ou en souffrance ? Tout d'abord, faire tester l'enfant en cas de soupçon de précocité car se savoir précoce est le point de départ à une évolution positive. Ensuite, se renseigner pour découvrir cette différence, la comprendre et apprendre à vivre avec.
Si l'enfant est jeune, il faut échanger à ce sujet, lui donner des explications, lire avec lui des livres sur le sujet. Lui expliquer qu'on a conscience que c'est difficile d'être différent mais que cela peut aussi être une chance, une force et une grande richesse. Que le monde serait ennuyeux si nous étions tous pareils.
Lui expliquer surtout qu'il est différent mais pas moins bien que les autres, pas fou, ni anormal, ni bête. Juste différent.
Lui dire que cette précocité peut lui paraître encombrante, peut compliquer sa vie mais aussi lui donner une grande liberté pour sa vie future : le choix. Il pourra prétendre à de grandes études, pour ensuite viser le métier qui lui plaira. D'autres n'ont pas cette chance car leurs capacités intellectuelles ne seront pas suffisantes pour entrer et réussir dans ces grandes écoles. Avoir le choix est une donnée essentielle pour un enfant comme lui, qui a besoin de contrôler la situation.
Les parents se plaignent souvent de ne "plus y arriver" avec leur enfant précoce qui est contestataire, opposant, colérique. Afin d'apaiser les choses, il faut avoir conscience que ces comportements ne sont pas des caprices mais l'expression de leur crainte de ne pas être assez bien, pas assez considéré, pas assez fort. D'une part, leur cerveau est réactif et engendre des débordements, d'où colère et excès. D'autre part, ne pas avoir le dernier mot, se soumettre, perdre à un jeu, reviennent pour eux à engager leur identité, leur valeur.
Déjà plus ou moins persuadés d'être nuls, d'avoir peu de valeur et de ne pas être assez aimés, ils ne supportent pas de se voir dans une position qui confirme leur nullité et leur faiblesse.
Perdre à un jeu ne signifie pas seulement ne pas avoir gagné mais révèle leur manque de valeur. Ils vivent cela comme un échec.
Ce sont des enfants très respectueux des règles s'ils les comprennent. Ils auront donc besoin d'un minimum d'explications pour accepter ce qu'on attend d'eux. Je dis "minimum", cela ne veut pas dire que le parent doit se justifier. C'est le parent, il doit donner des limites et des règles à son enfant, il doit exiger. L'enfant précoce est anxieux et a besoin d'un cadre franc pour être rassuré.
Être rassuré, le mot clé
Enfin, je dirais qu'un enfant précoce a avant tout un très grand besoin d'être rassuré :
• Sur sa valeur car il a facilement le sentiment de ne pas être assez bien. Trop lucide et trop critique, voire perfectionniste, il retient trop ses défauts, ses échecs, ses erreurs. Il faut lui rappeler souvent en quoi il est merveilleux.
• Sur ses capacités car il manque généralement de confiance en lui. Trop habitué à apprendre vite, il n'est pas armé pour garder confiance quand le travail demande un peu plus d'efforts. Il oublie souvent qu'apprendre demande du temps et des efforts, lui qui pense qu'il est anormal de ne pas réussir instantanément. Il faut lui rappeler qu'apprendre est parfois difficile, pour tout le monde et qu'il peut avoir l'impression de ne pas être capable uniquement car il n'est pas habitué à ne pas réussir tout de suite.
• Sur tout ce qui peut l'inquiéter au quotidien. C'est un enfant trop lucide, qui comprendre trop vite ce qui l'entoure. Il ne faut pas le laisser seul avec ces inquiétudes et en parler le plus possible avec lui.
• Sur l'amour qu'on lui porte. Lui-même n'est pas satisfait de ce qu'il est, il est donc persuadé que les autres déplorent aussi ce qu'il est. Trop sensible, il reçoit fortement les reproches qu'on lui adresse et peut en conclure qu'on ne l'aime pas. Il a besoin de câlins, de disponibilité, de compliments.
Un enfant précoce qui connait sa différence, qui se sent compris, qui est rassuré suffisamment sur sa valeur, ses capacités et qui sait qu'il compte pour ceux qu'il aime, n'a pas de raison durable d'aller mal."
Claire GRAND, psychologue